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Le bateau de l'avortement au Maroc : Un militantisme adolescent

Il est dans notre pays, pour toutes les causes justes, un certain militantisme amateur, adolescent, irréfléchi qui finit par desservir efficacement les causes qu’il prétend défendre. Pour Karim El Hajjaji, l’exemple de l’affaire du bateau de l’avortement en est la parfaite illustration. Le jeune président de Capdéma s'exprime, ici, en son seul nom propre.

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Il y a une quinzaine de jours, le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (MALI) aurait «invité» l’ONG néerlandaise Women On Waves pour effectuer des avortements dans les eaux internationales, en conformité avec la législation des Pays-Bas. Plus tard, on apprendra qu’il ne s’agit pas d’une rumeur, et que le bateau compte le plus sérieusement du monde accoster au port de plaisance quasi-privé de Marina S’mir. Cette initiative doit permettre, selon un membre du mouvement, de briser un tabou et d’offrir aux femmes la possibilité d’avorter dans des conditions saines et sans la menace de poursuites judiciaires, sachant que les opérations d’avortement se feront dans les eaux internationales. L’histoire se termine sans surprise : aucune femme n’a pu avorter sur ce bateau et bien entendu, aucun tabou n’a été brisé ni même légèrement fissuré. A contrario, des associations islamistes ont manifesté leur désaccord en reprenant fidèlement et efficacement la rhétorique du lobby américain conservateur pro-life. Un grand fiasco qu’un peu de bon sens aurait permis d’éviter.

L’avortement est un acte qui s’effectue, en particulier au Maroc, dans la honte et la clandestinité. La loi le punit de peines d’emprisonnement allant jusqu’à vingt ans. Imaginer un instant qu’une simple ouvrière de textile fasse le déplacement jusqu’à Marina Smir, qu’elle brave la présence policière et les caméras pour interrompre une grosse non-désirée à bord d’un navire hollandais relève dans le meilleur des cas de la naïveté. On peut donc légitimement penser que l’objectif des organisateurs ne dépassait pas le coup médiatique très maladroit, comme si l’on menait les débats de société à coups de provocations et de coups de fils aux journalistes.

Mesure impopulaire

Les droits des marocaines est un sujet qui doit être pris au sérieux et pensé dans une logique de long terme, en s’inspirant des autres pays sans les copier à la lettre. Dépénaliser l’avortement doit certainement figurer parmi les priorités des organisations féministes, car il est indigne de laisser des centaines de femmes subir un acte médical aussi grave dans les conditions moyenâgeuses que nous connaissons, en plus du risque de poursuites judiciaires. Toutefois, cela ne passera pas par une suppression pure et simple du chapitre VIII, section I du code pénal marocain, car il est impossible d’envisager une configuration du parlement qui voterait une mesure aussi impopulaire.

En revanche, il pourrait être envisageable d’assouplir les conditions de l’avortement en y incluant, dans un premier temps, les cas d’inceste, de contrainte sexuelle et de risques pour la santé mentale. En parallèle, puisque l’avortement n’est pas une fin en soi, l’usage des différentes formes de contraception doit être démocratisé au Maroc notamment pour les femmes célibataires : plutôt que de mettre un terme à une grossesse non désirée, il est plus utile de l’éviter. Ce n’est évidemment pas suffisant, mais c’est certainement bien plus efficace que n’importe quel coup médiatique.

Echec total

On doit aussi garder à l’esprit que ce combat exige de la persévérance et de l’intelligence, comme en témoignent les expériences des autres pays. Aux Etats-Unis, l’avortement a été autorisé après une longue bataille judiciaire. Le fameux arrêt Roe v. Wade de la Cour suprême américaine légalise l’avortement, sans que cet acte ne soit vraiment accessible à toutes les femmes dans la pratique. D’ailleurs, les administrations Reagan et Bush avaient annulé les aides fédérales allouées par leurs prédécesseurs à l’avortement. En Belgique, le roi Baudouin a dû «abdiquer» pendant trois jours pour éviter de promulguer une loi dépénalisant l’avortement. En Irlande, une disposition constitutionnelle interdit expressément l’avortement. Cette année, l’Espagne a failli revenir sur l’acquis de l’IVG. Et la liste est encore bien longue.

On ignore la prochaine cause à laquelle le MALI décidera de s’attaquer, mais on ne peut que suggérer aux quelques individus qui le composent de s’abstenir, et pourquoi pas, d’envisager d’autres vocations. Les deux actions les plus médiatisées qu’ils ont menées jusqu’à présent ont été un échec total, en témoigne l’article 222 du code pénal qui n’a subi, depuis 2009, aucune modification.

Visiter le site de l'auteur: http://www.capdema.org/

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Karim El Hajjaji
Président de Capdéma
Karim El Hajjaji
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